C’est en plein dans un débat houleux que la mesure a été rendue officielle à l’issue du Comité Interministériel pour la Sécurité Routière (CISR), le 9 janvier dernier : la limitation de vitesse sur le réseau secondaire passera de 90 km/h à 80 km/h à partir du 1er juillet 2018.
L’expérimentation menée dans trois départements a été jugée « positive » par le Premier ministre Edouard Philippe, qui estime que cette mesure permettra de sauver 200 à 400 vies par an. Cependant, l’étude censée dresser le bilan de l’expérience n’a jamais été publiée.
Pourquoi limiter la vitesse à 80km/h ?
L’argument massue du gouvernement reste la diminution des accidents mortels.
Avec 3477 tués en 2016, la vitesse est en France la première cause de mortalité sur les routes. Or, la réduction de vitesse permet de diminuer la distance d’arrêt et augmenter le champ de vision.
Mais les opposants à cette mesure contestent son efficacité, arguant notamment qu’elle ne lutte pas contre l’alcoolémie au volant ou que, bien que 1 accident sur 10 soit lié à l’usage du téléphone, ce facteur n’est pas pris en compte dans les statistiques de sécurité routière.
Mais la sécurité des conducteurs de deux-roues est cependant mise en avant.
Pourquoi ? Car cette limitation s’applique aux routes bilatérales, là où les automobilistes accélèrent souvent sans se soucier des motos ou scooters.
La mesure concerne les routes à double sens qui ne présentent pas de séparation physique entre les deux voies, c’est-à-dire pas de terre-plein, ni glissière de sécurité.
En somme, la grande majorité du réseau routier hors agglomération, hors voies rapides et autoroutes.
Quelques états européens ont déjà mis en application une mesure similaire.
C’est le cas de la Suisse, la Norvège, la Finlande, l’Irlande ou encore le Danemark où l’accidentalité et la mortalité routière ont bien diminué.
Les conséquences d’un tel changement de vitesse
La nouvelle réglementation aura des impacts non-négligeables, ne serait-ce que financiers.
Puisque la mesure s’applique à environ 400 000 km de routes, ce sont des milliers de panneaux de signalisation qu’il faudra changer.
Or, il faut compter entre 70 et 350 euros par panneau.
La facture de ce renouvellement d’infrastructures affiche un coût de 1,6 million d’euros.
L’impact écologique, bien que peu mis en avant, existe bel et bien.
Si une diminution de la vitesse rallonge invariablement le temps de trajet, la réduction de 10km/h sur une distance de 500km permet d’économiser 3 à 5 litres de carburant selon Bison Futé.
Quant à la pollution, le gouvernement annonce une baisse d’émission de 30% des gaz à effet de serre.
L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe) estime qu’au-dessus de 70 km/h, les réductions de vitesse ont un effet positif sur les émissions de particules et d’oxydes d’azote : une vitesse à 80km/h permettrait de diminuer ces rejets jusqu’à 20%.
Les motards et automobilistes se sont inquiétés de l’apparition de nouvelles amendes.
Mais la ministre des Transports, Elisabeth Borne, s’est empressée d’annoncer l’absence d’augmentation du nombre de radars sur les routes nouvellement limitées.
En revanche, les habitudes de conduite à 90km/h pourraient entraîner une hausse du nombre de contraventions.
Tout excès de vitesse entraînera à une sanction. La majorité des infractions concernent les excès de vitesse inférieurs à 20km/h, passibles d’une amende forfaitaire de 68€ et du retrait d’un point de permis.
Adapter sa conduite à ce changement de vitesse
Les amateurs de deux-roues devront sans doute revoir leurs habitudes de conduite. En réduisant de 10km/h la vitesse, le motard sera amené, selon son modèle de moto, à rétrograder afin de conserver une réponse moteur suffisante et rester en zone de confort.
Mais, avec les grosses cylindrées, la réduction de la pollution n’est plus assurée : le pilote devra rouler avec un rapport plus bas, donc un régime moteur supérieur qui entraîne fatalement une consommation de carburants plus élevée.
Les mesures sur lesquelles les motards attendent des changements concrets
Si la pertinence de cette mesure a été contestée, la Fédération française des motards en colère (FFMC) propose des alternatives visant à améliorer la sécurité routière, et notamment la protection des utilisateurs de deux-roues.
La FFMC demande que les glissières de retenue soient doublées avec des lisses-basse ou rails de protection.
Si elles empêchent les sorties de route pour les véhicules, ces « guillotines » sont parfois mortelles pour les motards.
La fédération réclame aussi une meilleure prise en compte de la spécificité des deux-roues motorisées (2RM) dans la conception des infrastructures routières (ralentisseurs non-conformes, épandage de graviers, séparateurs de chaussées en relief, etc…).
Elle exige aussi la revalorisation des professions de l’enseignement de la conduite, la gratuité des autoroutes (réseau routier le plus sûr, mais le plus cher) et l’entretien des voies.