De récents débats relancent la question des seniors et de la conduite ainsi que la question d’un test d’aptitude à la conduite pour cette tranche de la population. L’Enquête Nationale des Transports et Déplacements produite en 2008 comptait 8 millions de conducteurs dits âgés pour lesquels la voiture constituait le moyen de transport privilégié. Bien que moins victimes d’accidents de la route que d’autres tranches de la population, le nombre de personnes âgées n’en demeure pas moins en constante évolution : comment gérer la problématique des conducteurs âgés ?
Seniors sur la route = danger ?
Contrairement aux idées reçues les plus de 65 ans sont en réalité moins impliqués dans des accidents de la route que les autres tranches d’âges. Par contre, les accidents qui les touchent sont plus souvent mortels car leur santé est plus fragile.
Selon l’Association Prévention Routière, on dénombre 745 tués sur les routes chez les 65 ans et + contre 1909 chez les 25-64 ans. Parmi les 745 tués sur la route, 50% étaient en voiture et 35% piétons. Les déplacements en voiture constituent donc un risque mortel important pour les personnes âgées, mais plus du fait de leur fragilité que de leur inaptitude à conduire.
Toutefois, de récentes affaires reposent la question de la prise en charge des conducteurs séniors. Un octogénaire est en ce moment jugé pour avoir causé la mort d’un motard. Après des tests psychiatriques, il a été décrété, qu’il n’était pas responsable pénalement car incapable de discernement. C’est cette question de la capacité de certaines personnes âgées qui interroge aujourd’hui sur la nécessité d’un suivi en amont.
Tests et visites médicales : les meilleures solutions ?
Aujourd’hui 11% de la population a plus de 60 ans, ils seront 22% en 2050. Tous les seniors ne doivent pas être considérés comme des dangers potentiels sur la route, mais les caractéristiques propres au vieillissement (diminution possible des capacités physiques ou cognitives) doivent être prises en compte dans le meilleur intérêt de tous.
Contrairement à plusieurs pays européens, en France on n’exige pas de contrôles obligatoires et réguliers pour mesurer l’aptitude à conduire. Toutefois, l’article R.221-14 du code de la route prévoit qu’il est possible de faire un signalement à la gendarmerie ou au Préfet pouvant entraîner, un examen médical, ainsi qu’une suspension, provisoire ou non du permis de conduire. Mais comment demander aux familles de signaler leurs propres parents ?
La conduite mobilise de nombreuses capacités perceptives, motrices et cognitives avec bien souvent des doubles tâches à effectuer. Le vieillissement a forcément des incidences sur ces capacités. On peut ainsi parfois observer un déclin des capacités motrices, visuelles ou des troubles cognitifs qui peuvent se traduire par des troubles de l’attention ou des temps de réaction allongés.
La plupart des seniors ont bien conscience des évolutions physiques et une grande majorité modifie sa pratique de la conduite en conséquence. On observe d’ailleurs que sur 62% des personnes âgées entre 65 et 74 ans ayant un permis de conduire, 49% conduisent mais quand on passe aux plus de 74 ans : 47% sont titulaires d’un permis de conduire mais 29% seulement conduisent. Il semble donc qu’une prise de conscience des limites de l’âge se fasse naturellement.
La difficulté majeure se pose surtout au niveau des problèmes cognitifs. Dans ces cas, les personnes n’ont bien souvent pas conscience de la dégradation de leur état. D’où l’intérêt d’une visite médicale permettant de dépister ces situations.
Un arrêté du 31 août 2010 précise à ce titre déjà aux médecins, la liste des états de santé entraînant une incompatibilité avec la conduite : altérations visuelles, pathologies cardio-vasculaires, métaboliques ou pneumologiques, atteintes de l’appareil locomoteur, pratiques addictives… Dans le cas où le médecin détecterait cela chez un patient, il doit lui demander d’arrêter de conduire. Toutefois cela est soumis à la condition que le patient soit suivi régulièrement, d’où l’idée d’un suivi obligatoire.
Au Danemark, le dépistage est obligatoire avec un retrait de permis pour les personnes qui auraient échoué mais pour autant le nombre d’accident ne diminue pas. La visite médicale, bien que nécessaire pour dépister certaines pathologies qui empêcheraient le bon discernement du conducteur âgé, ne semble donc pas être la clé pour diminuer les accidents des seniors. Le dépistage médical est important mais c’est en réalité le suivi médical de n’importe quelle personne vieillissante, automobiliste ou non, qui est indispensable.
D’autres pistes.
Conduire constitue aussi un ancrage dans la vie sociale pour les populations âgées, il est donc nécessaire de trouver un moyen de maintenir sur la route ceux qui en sont capables, tout en évitant la multiplication des risques d’accident.
Avant la question de l’incidence de l’âge sur la conduite, c’est l’évolution du code de la route qui doit être au cœur des interrogations. Plutôt que de stigmatiser la population senior, il serait intéressant de commencer par envisager la mise en place de tests ou stages de remise à niveau de manière régulière sur le parcours du conducteur ne serait-ce que pour être en cohérence avec l’évolution des règles de conduite. Cette question est d’ailleurs en débat avec le nouveau permis qui pourrait être valable 15 ans avec l’obligation à échéance d’effectuer certaines démarches pour le revalider pour 15 ans supplémentaires.
L’interdiction de conduire n’est pas non plus toujours la meilleure solution. Parfois, une limitation serait plus intéressante pour permettre à la personne âgée de conserver de l’autonomie. Mais pour cela, il faudrait pouvoir mettre en place un suivi dans le temps et modifier la législation sur le permis de conduire.
Enfin, outre l’éducation ou la surveillance, d’autres moyens peuvent être envisagés pour maintenir les seniors en état de conduire, par exemple, des séances d’entraînement cognitifs, équiper les véhicules de systèmes d’assistance à la conduite, améliorer les infrastructures et notamment l’éclairage des routes… Tous ces éléments associés pourraient permettre aux seniors de continuer à conduire en toute sécurité.
La question des seniors et de la conduite doit être envisagée dans un questionnement global autour du vieillissement de la population. Le déclin des facultés physiques ou cognitives avec le temps est réel mais imposer un test médical et/ou technique arbitraire n’est pas nécessairement la bonne solution et semble plutôt conduire à des situations stigmatisantes et/ ou d’enfermement. L’accompagnement progressif tout au long de la vie du conducteur paraîtrait plus approprié mais compliqué à mettre en place.
Et vous, qu’en pensez-vous ?